La dernière fois où j'ai rendu visite à Klaus, il vivait seul, sans eau ni électricité, depuis plus de trente ans dans des cabanes en pleine nature et à plusieurs heures de marche de la dernière habitation. C'est là que je lui ai rendu visite, caméra à l'épaule environ une fois par mois, pendant près de deux ans. Aujourd'hui 10 ans ont passé depuis son départ soudain pour une destination inconnue et même s'il a fini par considérer que toutes nos conversations filmées étaient sans intérêt et m'a demandé de ne pas les montrer, je prends aujourd'hui le risque d'honorer sa mémoire...
Assurément une des aventures les plus difficiles et excitantes de ma vie de documentariste. Rejoindre, matériel sur le dos par des sentiers escarpés, les cabanes de Klaus fut déjà un premier marathon. Le convaincre pendant des mois que mes intentions étaient pures avant de pouvoir introduire chez lui la moindre caméra en fut un second. Accepter enfin son souhait que personne d'autre que moi n'intervienne pour filmer nos conversations en fut un troisième... Mais alors, quand j'ai vu au bout de mon objectif, cet homme si sauvage et si rétif me confier sa souffrance, ou quand je l'ai entendu avouer à mes micros ce qui était enfoui au plus profond de son coeur, je me souviens que des frissons m'ont traversé. Mon Graal de cinéaste de l'humain était atteint!
Vidéo, Couleurs, 85', 2024